A lire et à faire lire à vos conjoints
Je voulais vous faire partager un article relevé dans un journal de la presse hebdomadaire de samedi.
C'est le témoignage de Madame C. B.
Le téléphone sonne dans mon bureau. Je décroche :
- Madame, sur votre mammographie, nous avons vu quelque chose ... il y a des cellules atypiques, des microcalcifications dans votre sein droit. Il faudrait faire une biopsie poour explorer davantage. J'aimerais vous voir à mon bureau pour qu'on en parle. Est-ce possible jeudi 18 h ; je vous passerai entre deux patientes.
- Merci Docteur...
- Ça va ?-
... Oui, ça va aller.
Dans le vide ! Je suis dans le vide ! Il n'y a plus de plancher. Tout s'écroule.
Il faut que je le dise à F... mon mari. Où est-il ? Les enfants, comment je vais leur dire ça ?
Pas maintenant.... Car s'ils ont fait une erreur, je les inquièterais pour rien.
Des cellules atypiques : je connais ces mots-là depuis que mon père est mort du cancer.
Cancer ! Il me reste combien à vivre ? Vivre ! C'est ce que je veux le plus.
Du temps ! Oui, j'ai besoin de temps ! Il faut que je profite de mes enfants devenus adultes. Il faut que je connaisse mes petits-enfants qui viendront.
C'est décidé, je vais tout faire pour gagner quelques années. Tout !
Presque sept ans plus tard, je suis toujours là, heureuse de vieillir : c'est la preuve incontestable que je suis vivante.
Bien sûr, j'ai davantage de rides et les cheveux, on n'en parle pas, ils font semblant d'être jeunes.
Peu à peu, ce corps, "avec" un sein en moins, m'est devenu familier.
Mais ce n'est pas moi, c'est "lui" F.... qui a été le premier à l'apprivoiser ; il a doucement enlevé ma main qui cachait la blessure en me disant : "Comment veux-tu que je n'aime pas ce corps qui raconte toute l'histoire de la femme que j'aime."
Comment se trouver laide après cela ? C'est bien là tout le mystère d'un regard aimant.
Que l'on soit homme ou femme, enfant ou adulte, jeune ou vieux, on peut, à un moment ou l'autre de sa vie, être trop vieux, trop jeune, trop grosse, trop maigre, trop malade, trop moche, trop grande, trop petit, trop boutonneux, trop "fif", trop différente, en un mot, être le "trop" de quelqu'un ou de soi-même.
Certains enfants "rejects" dans les cours d'écoles en savent, hélas, trop long là-dessus. Certaines personnes âgées ou marginales aussi.
On a tous besoin de ces regards aimants pour absorber les chocs, s'adapter, se défendre, accepter les transformations et s'y habituer.
Mais quand on y pense, la vie est une transformation perpétuelle, acceptée ou non, et elle suppose une adaptation qui nous oblige à remettre en question les codes, les normes et les canons.
C'est particulièrement dans ces moments de changement qu'on mesure tout le réconfort d'un regard indulgent et tendre qui pénètre l'âme jusqu'au tréfonds de l'être !
Ce cadeau que j'ai reçu fait que maintenant, lorsqu'il m'arrive de me croiser toute nue devant le miroir, je me regarde avec une certaine légèreté et même avec un brin d'humour.
Je m'ennuie encore quelquefois de ce sein absent, mais j'ai tout le reste et j'ai surtout la vie."