PREVENTION DU CANCER DU SEIN :
une molécule anti-ostéoporose comme arme supplémentaire ?
Le Dr David Elia , gynécologue, commente les résultats encourageants de la dernière étude sur le raloxifène, qui a confirmé une diminution des cancers mammaires chez les femmes traitées contre l'ostéoporose. Dans quels cas prescrit-on habituellement un traitement au raloxifène, qui n'est pas une hormone, précisons-le ? Cette molécule de la famille des Serm, agit sur les récepteurs de certaines hormones (les oestrogènes), selon leur localisation dans le corps féminin .
Elle active et stimule les récepteurs oestrogéniques du squelette et inhibe ceux du sein.
Actuellement, ce médicament est utilisé (en comprimés) pour la prévention de l'ostéoporose vertébrale, le rachis étant une des premières cibles de la maladie (le fémur est atteint plus tard).
Le raloxifène concerne généralement les patientes âgées de 50 à 65 ans. La décision de mettre en route ce traitement est prise en fonction de plusieurs critères.
- 1) - Les résultats d'un examen, la densitométrie (par exemple lorsqu'une femme ménopausée a franchi un certain seuil de fragilisation osseuse).
- 2) - La présence de facteurs de risques, tels l'âge, un passé d'anorexique, un tabagisme, etc.
- 3) - Une mère ayant été victime de fractures ostéoporotiques.
- 4) - Une alimentation particulièrement pauvre en calcium.
- 5) - Une ménopause précoce.
- 6) - Une prise prolongée de certains médicaments tels les corticoïdes.
- 7) - Un tassement vertébral.
Quels résultats a-t-on obtenus avec ce traitement ? Il y a eu plusieurs effets.
- Le premier : l'étude More a été conduite en double aveugle chez 7 700 femmes ménopausées ostéoporotiques durant quatre ans.
Résultat : les fractures de la colonne vertébrale ont été réduites de moitié dans le groupe traité par raloxifène par rapport à celui sous placebo. L'efficacité du produit était donc démontrée contre l'ostéoporose vertébrale (aussi bien en prévention qu'en traitement).
Mais ce qui a étonné les chercheurs a été la forte baisse d'incidences de cancer du sein chez les femmes traitées : 71 % de moins que dans le groupe témoin !
Une autre étude internationale nommée Core a été mise en route un an après, sur 5 213 femmes ménopausées ostéoporotiques.
Cette dernière étude a été conduite aussi en double aveugle et durant quatre ans.
Là encore, les résultats viennent de démontrer une forte baisse (de 66 %) de la survenue des cancers mammaires dans le groupe traité par rapport au groupe témoin. Il s'agit là de conclusions très encourageantes qui nécessitent, bien sûr, d'être confirmées par d'autres essais actuellement en cours.
Des effets secondaires ont-ils été observés avec ce traitement ? Oui, mais ils ont été plutôt rares. Des bouffées de chaleur et des crampes.
Durant les huit ans où se sont déroulées les deux études, on n'a pas noté d'augmentation de saignements ou de cancers utérins.
Il faut cependant citer une contre-indication importante : un risque de thrombose veineuse. Chez les femmes ayant eu une phlébite, une embolie pulmonaire ou porteuses d'une déficience génétique de certains facteurs de coagulation sanguine, ce risque est multiplié par deux. Aux femmes à risque de thrombose ne pouvant bénéficier du raloxifène, que propose-t-on ? On peut leur prescrire des biphosphonates qui se prennent en comprimés. Ce traitement, habituellement réservé aux patientes présentant un risque de fracture du col du fémur, est aussi très efficace pour prévenir celui de la colonne vertébrale.
Avec ces derniers résultats, pensez-vous qu'on va prescrire du raloxifène aux femmes ménopausées à risque de cancer du sein, ce qui aurait en même temps l'avantage de les protéger contre l'ostéoporose ? Pour l'instant non, car nous attendons les confirmations des études en cours.
Mais il est permis d'espérer que cette molécule, bien tolérée par l'organisme, soit proposée, dans un avenir proche, comme arme supplémentaire dans la prévention des cancers mammaires.
Le raloxifène est-il remboursé par la Sécurité sociale ? Oui, si la patiente a déjà été victime d'une fracture ostéoporotique, mais pas s'il s'agit d'administrer ce produit seulement dans un but préventif. A notre avis, il faudrait rapidement rectifier cette disposition.
Depuis août 2006, il est remboursé par la sécurité sociale ( voir les infos ici )
Au niveau de la recherche, sur quelles nouvelles molécules travaille-t-on pour protéger les femmes ménopausées à la fois de l'ostéoporose et du cancer mammaire ? D'autres produits de la famille des Serm sont actuellement à l'étude. Tous sont censés avoir la même action : verrouiller les récepteurs aux oestrogènes des seins et de l'utérus, activer les récepteurs oestrogéniques du squelette, tout en effaçant les éventuels symptômes de la ménopause.
Entretien réalisé par Sabine de la Brosse