CANCER DU SEIN
pour éviter les récidives
Suite au congrès mondial de San-Antonio, le Professeur Martine Piccart (Institut Jules-Bordet à Bruxelles) explique les dernières avancées thérapeutiques pour empêcher les rechutes.
Quelle est dans le monde la fréquence de ce cancer ? Pr Martine Piccart. Elle est en augmentation.
En 2010, on devrait diagnostiquer 1,5 million de cas.
Dans nos pays industrialisés, 1 femme sur 10 en moyenne développe au cours de sa vie une tumeur maligne du sein.
Parlons des cancers encore localisés. Pour les traiter, de quelles armes dispose-t-on ? La chirurgie reste une arme d’importance primordiale.
Pour un grand nombre de tumeurs, il n’est plus nécessaire d’enlever le sein.
Autre progrès : on propose la technique de l’analyse du ganglion sentinelle, le premier de la chaîne axillaire. S’il est sain, il sera inutile d’extraire les autres. On évite ainsi le risque de “gros bras” par engorgement lymphatique.
La radiothérapie est restée un complément indispensable de la chirurgie. Là, la nouveauté concerne les recherches sur la mise au point d’un traitement administré le jour même de l’intervention chirurgicale (et non plus sur une durée de cinq ou six semaines).
On propose à une grande majorité de femmes la prise de médicaments spécifiques pour éradiquer d’éventuelles cellules cancéreuses ayant pu s’échapper à distance du sein.
Selon le profil de la tumeur, ce traitement préventif peut être une chimiothérapie, une hormonothérapie, du trastuzumab ou une association de ces thérapies.
Avec l’ensemble de ces armes, quels résultats obtient-on ? Les taux de guérison varient entre 60 % et 95 % selon la taille de la tumeur, sa virulence intrinsèque, etc.
Pour prévenir les rechutes, en 2008, quels ont été les résultats les plus encourageants ? Trois nouvelles approches sont très prometteuses.
- 1. Dans le cas de tumeurs hormonodépendantes, on avait déjà identifié l’efficacité du tamoxifène qui neutralise l’action des œstrogènes. Mais les résultats d’essais cliniques récents montrent qu’on peut faire mieux en remplaçant le tamoxifène par un autre antihormonal, un inhibiteur d’aromatase qui diminue la production des œstrogènes, ou encore en utilisant l’un après l’autre ces deux médicaments.
Ces dernières stratégies réduisent d’environ 15 % à 20 % le risque de récidive.
- 2. Une autre approche antirechute pour les cancers du sein hormonodépendants de la femme jeune (moins de 50 ans) est l’acide zolédronique, un biphosphonate.
Des cancérologues ont présenté les résultats d’une étude autrichienne sur 1 800 femmes. Chez celles qui avaient reçu tous les six mois et durant trois ans une perfusion d’acide zolédronique en plus d’un traitement antihormonal, on a observé une diminution de 30 % du risque de récidive. C’est beaucoup...
Comment explique-t-on l’efficacité de ce biphosphonate ? Il est connu depuis longtemps pour ses effets antiostéoporose.
En cas de cancer, on pense que l’os constitue une sorte de réservoir pour les cellules cancéreuses ayant réussi à migrer à distance du sein.
De là, elles se propageraient dans l’organisme.
L’acide zolédronique, en se fixant dans la structure osseuse, bloquerait le processus d’implantation des cellules malignes et abrégerait leur survie.
Quelle est la troisième approche ? Environ 25 % des tumeurs mammaires sont porteuses de récepteurs HER 2, qui favorisent la croissance des cancers.
Une très grande étude mondiale (coordonnée par mon équipe de l’institut Jules-Bordet) vise à améliorer les résultats du trastuzumab qui bloque l’action de ces récepteurs néfastes.
Le nouveau produit en évaluation, le lapatinib, cible le même récepteur et devrait se révéler encore plus efficace contre les rechutes (donné en séquence ou en combinaison avec le trastuzumab).
Entretien réalisé par Sabine de la Brosse